
Pourquoi les selfies nous rendent grotesques ?
Pourquoi les selfies nous rendent grotesques ?
Les selfies inondent les réseaux sociaux. Beaucoup ignorent cependant qu’ils déforment notre apparence de manière grotesque et peu flatteuse.
Loin de refléter la réalité, ces autoportraits nuisent à l’image que nous projetons. Et ce, tant dans la sphère privée que professionnelle.
Pour les plus sensibles, cette distorsion peut affecter l’estime de soi. Dans un contexte professionnel, un selfie utilisé comme photo de profil Linkedin aura toutes les chances de laisser une première impression désastreuse.
Face à ces impacts, des chercheurs se sont penchés sur les effets de la distance de prise de vue et les perceptions qu’elle engendre. Ils révélent ainsi pourquoi le selfie est à proscrire pour soigner son image.
Éviter les selfies comme la peste pour les photos professionnelles
Certaines personnes, qui ont l’idée était de faire du networking, se prennent parfois en selfie. Ce dernier fait ensuite office de photo de profil sur Linkedin, Xing, Teams, Twitter ou Facebook. Grosse erreur ! Si les selfies amélioraient la visibilité ou l’engagement, cela saurait. Ils desservent, en fait, bien plus qu’ils ne servent.
Vous n’avez pas les longs bras d’un Tenaga !
Dans la mythologie japonaise, un Yōkai[1]Le Yōkai 妖怪 est un démon japonais. appelé Tenaga 手長 (Littéralement Longs Bras) hante l’île de Kyūshū. Selon le Wakan Sansai Zue [2]Le Wakan Sansai Zue 和漢三才図会est une encyclopédie illustrée sino-japonaise publiée en 1712 durant l’époque d’Edo, ce démon possède des bras pouvant s’étirer jusqu’à 9 mètres.
Estampe ukiyo-e de l’époque Edo représentant les yôkais Tenaga et Ashinaga, œuvre d’Utagawa Kuniyoshi, 1855.
Si ce dernier existait réellement, mes amis, et s’il vous chapardez votre smartphone, il pourrait aisément prendre de très beaux selfies… mais pas vous ! Tout simplement parce que vos bras sont trop courts.
S’il existait et s’emparait de votre smartphone, nul doute qu’il réussirait des selfies impeccables.
Mais pas vous ! Tout simplement parce que vos bras sont trop courts.
Il faut se rendre à l’évidence. Si l’humain était conçu pour briller en selfie, il serait né avec les bras d’un Tenaga.
Vous vous demandez certainement en quoi la longueur des bras pourrait avoir une incidence sur la qualité de votre selfie.
Le Dr Boris Paskhover, dans son étude « Nasal Distortion in Short-Distance Photographs: The Selfie Effect », s’est posé la même question.
L’essor des selfies dope les demandes de chirurgie nasale
Depuis l’avènement des selfies, les cabinets de chirurgie esthétique croulent sous les demandes d’opérations nasales.
Selon un sondage de l’Académie américaine 42 % des chirurgiens plasticiens ont signalé que des patients cherchaient à subir des interventions chirurgicales afin de réduire la taille de leur nez. En effet, les patients faisaient cette requette pour améliorer leurs selfies publiés sur les plateformes de médias sociaux.
À cet égard, le Dr Boris Paskhover, chirurgien facial, s’efforce de dissuader ses patients dec ommettre l’irréparable. Beaucoup croient, à tort, que leur nez est trop gros en se fiant à leurs selfies.
Pendant des années, j’ai entendu des patients et des membres de leur famille me dire : « Oh, regardez mon nez, il a l’air si gros », lorsqu’ils me montraient un selfie », a déclaré le Dr Paskhover. Je savais que les selfies déforment l’apparence de votre nez. Et je voulais le prouver. » – le Dr Boris Paskhover, chirurgien plasticien facial, co-auteur de l’étude Nasal Distortion in Short-Distance Photographs: The Selfie Effect.[3]Brittany Ward, Max Ward, Ohad Fried, and Boris Paskhover, Nasal Distortion in Short-Distance Photographs: The Selfie Effect, JAMA Facial Plast Surg, 2018.
Le selfie déforme de manière grotesque votre nez !
Zoom sur mon nez !
Selon l’étude Nasal Distortion in Short-Distance Photographs: The Selfie Effect publiée dans la revue JAMA Facial Plastic Surgery, 150 centimètres minimum constituent la distance optimale pour des portraits fidèles, sans déformation des traits du visage.
Il faut noter que les selfies pris à seulement 30 centimètres du visage donnent lieu à une perspective très forte qui fait apparaître votre nez jusqu’à 30 % plus large qu’il ne l’est.
Personnellement, j’ai souhaité faire l’expérience pour mieux en vérifier les résultats. J’ai déjà un gros tarin mais avec le selfie, ce n’est plus un nez… « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »[4]Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, acte I, scène 4, édité par Eugène Fasquelle, Paris, 1898.
Lorsque le photographie est prise à 30 cm, le visage de l’individu , est déformé de 30%. En outre, le visage cache les oreilles. Si le visage de la photo prise à 150 cm n’est pas déformé, le risque de flou, avec un smartphone est réel et l’éclairage altéré par la distance. Le selfie enlaidie indéniablement le visage.
Mon nez s’enfle de 30% !
Sur les photos prises avec mon smartphone, les résultats sont édifiants. À 30 cm, mon nez enfle, se gonfle. À cause des effets convexes, le visage s’arrondit bizarrement vers l’extérieur. Par ailleurs, les oreilles rapetissent et sont moins visibles. Diantre !
Sur les photos prises au smartphone, le verdict est sans appel. À 30 cm, mon nez s’enfle. L’effet convexe arrondit le visage de manière caricaturales. Par ailleurs, mes oreilles semblent rétrécir et s’effacer. Diantre !
Par conséquent, avant d’envisager d’investir dans une rhinoplastie esthétique, réfléchissez ! Vaut-il mieux investir dans un photographe professionnel ou en faire l’économie pour un miroir déformant ?
Qui dit champ angulaire étroit, dit gros tarin.
Si vous prenez un selfie, la longueur focale sera plus étendue. Par conséquent, plus le champ angulaire sera étroit et plus le grossissement sera élevé. C’est une règle élémentaire de l’optique. Pour un portrait flatteur, la longueur focale doit être plus courte. Ainsi, l’angle de vue sera plus large et le grossissement réduit.
Les selfies font paraître les gens inquiétants et peu fiables
Déroulement de l’expérience des chercheurs de Caltech
Au-delà des déformations physiques, les selfies altèrent la perception que les autres ont de vous.
Sur ce point, des chercheurs de Caltech ont déterminé que les personnes ayant pris des selfies étaient considérées comme moins fiables, moins attirantes et moins compétentes.[5]Ronnie Bryan,Pietro Perona,Ralph Adolphs, Perspective Distortion from Interpersonal Distance Is an Implicit Visual Cue for Social Judgments of Faces, 2012
Les chercheurs à l’initiative de l’étude Perspective Distortion from Interpersonal Distance Is an Implicit Visual Cue for Social Judgments of Faces, ont d’abord demandé à des participants de juger 36 photographies montrant deux images différentes de 18 personnes. L’une des images a été prise à 60 centimètres du visage et la seconde à une distance d’environ 2,1 mètres.
Les chercheurs ont choisi ces deux distances car l’une se situe à l’intérieur et l’autre à l’extérieur de la distance proche [6]La distance proche, dans l’étude de la proxémie, se situe entre 45 et 75cm. Edward T. Hall, The Hidden Dimension, Page140-160, Garden City, N.Y., Doubleday, 1966.. Afin d’observer l’effet de la distance, les chercheurs ont veillé à ce que les visages de chaque série présentent la même expression et semblent avoir la même taille.
Une trop proche distance signale l’alerte à votre cerveau
L’étude de Caltech révèle que les visages déformés par des selfies pris à courte distance (60 cm) suscitent des jugements négatifs : agressivité, manque d’éthique, méfiance et inquiétude. Pourquoi ?
Diverses études de proxémie[7]La proxémie est l’étude scientifique des positions relatives des interlocuteurs, des relations spatiales qu’entretiennent les sujets entre eux et des significations non verbalisées … Continue reading ont déjà montré que la distance interpersonnelle, c’est-à-dire le fait que quelqu’un se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur de votre espace personnel, a un impact sur les comportements sociaux. Qui plus est, la distance est liée à l’activité de certaines structures cérébrales.
Les recherches montrent qu’en deçà de 60 cm, nous pénétrons une zone de sécurité intime. Cette proximité déclenche une alarme dans le cerveau, activant un réflexe de défense et une sensation d’inconfort. L’inquiétude devient alors palpable.
Pensez aux gros plans de Sergio Leone, où les pistoleros menaçants emplissent l’écran. Ou au fou rire provoqué par les visages déformés de Christian Clavier et Jean Reno dans Les Visiteurs. Ces plans serrés, comme les selfies, altèrent la bienveillance des personnages. Preuve que trop de proximité nuit gravement à l’image !

Gros plan d’un pistoléro sinistre dans le western Il était une fois dans l’Ouest, de Sergio Léone.

Gros plan comique mais inquiétant des protagonistes médiévaux du film Les Visiteurs, de Jean-Marie Poiré.
Les selfies vous rendent flippants et laids, ne les utilisez pas pour votre networking !
Ces résultats démontrent, en somme, que le selfie peut influencer une série de jugements sociaux très négatifs. Pire, le selfie peut, à tort, vous donner une mauvaise image de soi.
Les selfies ne se contentent pas de déformer votre visage : ils vous font passer pour moins fiable, moins attirant et moins compétent. Et tout cela concourt à miner votre confiance en vous. Privilégiez des photos prises à une distance raisonnable, autour de 1,5 m, hors de la zone intime qui déclenche l’inconfort.
Pour vos portraits d’entreprises ou vos photos de profil Linkedin, un conseil : oubliez les selfies ! Confiez votre image à un photographe professionnel. Un vrai portrait respectera votre identité et projettera une première impression positive, sans l’effet grotesque des autoportraits. Votre réseau vous remerciera.
Références
↑1 | Le Yōkai 妖怪 est un démon japonais. |
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↑2 | Le Wakan Sansai Zue 和漢三才図会est une encyclopédie illustrée sino-japonaise publiée en 1712 durant l’époque d’Edo |
↑3 | Brittany Ward, Max Ward, Ohad Fried, and Boris Paskhover, Nasal Distortion in Short-Distance Photographs: The Selfie Effect, JAMA Facial Plast Surg, 2018. |
↑4 | Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, acte I, scène 4, édité par Eugène Fasquelle, Paris, 1898 |
↑5 | Ronnie Bryan,Pietro Perona,Ralph Adolphs, Perspective Distortion from Interpersonal Distance Is an Implicit Visual Cue for Social Judgments of Faces, 2012 |
↑6 | La distance proche, dans l’étude de la proxémie, se situe entre 45 et 75cm. Edward T. Hall, The Hidden Dimension, Page140-160, Garden City, N.Y., Doubleday, 1966. |
↑7 | La proxémie est l’étude scientifique des positions relatives des interlocuteurs, des relations spatiales qu’entretiennent les sujets entre eux et des significations non verbalisées qu’ils en retirent. La proxémie a été introduite par l’anthropologue américain Edward T. Hall à partir de 1963. |